K. Conka à bâtons rompus
Repérée au sein de l’excellente compilation Daora, la brésilienne Karol Conka sera en concert, ce vendredi au Centquatre à Paris. A cette occasion, la jeune interprète nous présente son album, Batuk Freak le bien nommé. Elle évoque son rapport à la tradition et fait un état de lieux de la nouvelle génération brésilienne, des évènements sociaux qui ont marqué récemment le géant Sud américain.
Pouvez-vous nous évoquer l’histoire de Batuk Freak ?
Karol Conka : « Ce disque est le résultat d’un long travail sur l’identité musicale. Avec mon producteur Nave, nous nous sommes intéressés aux rythmes purement brésiliens mais aussi à des beats plus universels. Cela nous a demandé plus d’un an de recherches pour assembler ce canevas. J’ai écrit les paroles mais les mélodies sont, elles, le fruit d’un patient ping pong pour arriver à un album dansant qui aurait aussi un coté très lourd. »
Votre production est axée sur la bass music, le rap et l’ajout d’échantillons musicaux inédits, influences de percussions atabaques...
Karol Conka : « Sans aucun doute ! J’adore mixer les sons et les rythmes. Cet album est en quelque sorte un autoportrait, un mélange de toutes ces influences et références qui m’ont façonnée. »
N’est-il pas révélateur d’un nouveau son brésilien ?
Karol Conka : « Je ne pense pas. Peut-être que ce disque contribue à façonner un nouveau son hip hop brésilien mais je ne pense pas qu’il soit représentatif d’un nouveau courant. Ce serait un peu prétentieux de ma part ! Cet enregistrement me représente, avec mon style et ma personnalité et je suis plutôt contente du résultat. »
Ne traduit-il pas la manière de vivre de la nouvelle génération locale ?
Karol Conka : « Je dirais que oui. Peut-être parce qu’il traite aussi bien de la joie que de la peine, il invite l’auditeur à s’amuser et à protester dans le même temps. Il y a un questionnement sur la qualité de vie des brésiliens, des passages traitent de la nécessité d’avoir une meilleure estime de soi. Mais l’album est aussi truffé de messages de joie, du fait qu’il faut célébrer et apprécier nos vies. Il y a tout ça au Brésil. La vie ici est un combat quotidien pour la majorité des gens mais nous ne sommes pas un peuple amer. On est heureux de nature. »
Quels rapports entrenez-vous avec la tradition musicale locale et la bossa ?
Karol Conka : « Je pense que la bossa est une très belle musique. Mais je n’ai que très peu de liens avec elle. Ce répertoire est mesuré et moi plus explosive. En fait mon enfance a surtout été bercée par la samba, qui est aussi une des sources de la bossa nova et du jazz. J’ai bien sûr aussi entendu beaucoup de bossa mais je ne dirais pas qu’elle m’a influencée. »
Votre point de vue concernant les récents évènements sociaux qui ont ébranlé votre pays ?
Karol Conka : « J’étais heureuse de voir que les Brésiliens aient pu redécouvrir leur propre démocratie. Les manifestations ont aidé à changer des choses qui n’allaient pas. Mais c’est encore trop peu. J’espère qu’il ne s’agit que d’un premier pas, que nous continuerons de réparer les inégalités qui sévissent depuis des décennies. »
A l’instar de votre dernier LP, disponible depuis l’an dernier via Soundcloud / You Tube, vous utilisez volontiers les réseaux sociaux pour communiquer. Est-ce un choix délibéré ?
Karol Conka : « Nous avons établi un partenariat avec Vice Magazine. Pour télécharger le disque, l’utilisateur doit payer avec un tweet ou un post. Ça m’a grandement aidée à communiquer autour de la sortie de l’album. »
Vous allez jouer prochainement France. Qu’allez-vous proposer au public parisien ?
Karol Conka : « Je compte apporter la chaleur brésilienne pour réchauffer les parisiens qui ne sont pas encore sortis de l’hiver. J’aimerais partager un peu de ma folie douce avec le public. Je rêve de voir tout le monde danser sur ma musique. »
Outre la scène, avez-vous des projets ou collaborations ?
Karol Conka : « J’ai déjà commencé à réfléchir au prochain album, mais j'en suis à l'ébauche. J’ai aussi dans l’idée de lancer des collaborations musicales mais je préfère garder les noms secrets ! »
Propos recueillis par Vincent Caffiaux