Trans Europe Express (I)

                                                                                             

Le titre de la rubrique renvoie évidemment à Kraftwerk et au remix hip hop opéré, il y a trente ans, par Afrika Bambattaa. Aujourd'hui les musiques slaves se mêlent sans complexe au djing, au rock et aux tempos du monde entier. Les créateurs prolongent avec insolence les traditions ancestrales symbolisées par les tarafs roumains, les polyphonies bulgares voire les surprenants chants diphoniques mongols.

Shantel On se rappelle du DJ pour sa performance en France, dans les rues de Lille. Le jeune allemand avait alors transformé la capitale européenne de la culture et le parvis de son opéra en un hallucinant dancefloor... Ses disques sont d'excellents traits d'union entre les générations. L'homme y déchaîne ses racines roumaines et plus généralement les fanfares au contact de redoutables beats disco-hip hop comme Disko Partizani. Il poursuit un carrière avec son groupe, le Bucovina Club Orkestar. A noter le lancement, l'an dernier d'une compilation avec l'illustrateur Oz Almog : Kosher Nostra Jewish Gangsters Greatest Hits.

Balkan Beat Box A l'instar de Shantel, ce trio new yorkais est signé chez Crammed Disc, un label belge à l'imaginaire prolixe. Ici le croisement de rap, de rock et de thèmes européens aurait pu sonner hasardeux pourtant le melting pot  transpire  l'énergie de la Grosse Pomme. Classique du genre sorti en 2007, l'album Nu Med explore avec bonheur les racines méditerranéennes ou slaves. Et leur participation au deuxième tome d'Electric Gypsyland confirme leur science du remix. Les trois musiciens se présentent indéniablement comme les petits frères ingénieux d'un Gogol Bordello voire les héritiers des Beastie Boys, période Paul's Boutique.

Yom Si, sur son premier album, il se proclamait roi de la musique klezmer, le clarinettiste français ne s'est pourtant pas endormi sur son trône. Au contact de Klezmer Nova, sa première formation, il a ainsi cultivé un sens naturel pour l'improvisation et les rencontres. Pétrie de sonorités electro new wave, With Love, sa dernière production avec les Wonder Rabbis l'a vu réincarné en super héros alors que Green Apocalypse sa récente collaboration avec le joueur de guimbarde chinois Wang Li confirme une ouverture d'esprit exemplaire. A l'instar des illustres musiciens yiddishs qui jouaient de mariages en contrées, l'artiste étoffe sa production, au fil  des expériences.

Goran Bregovic Ce musicien est certainement le premier a avoir croisé (tous) les rythmes des Balkans à l'univers rock. Compositeur pour le cinéaste Emir Kusturica, collaborateur à différents projets internationaux comme In the Death Car chanté par Iggy Pop, il cultive un univers attachant. Un savoir doublé d'une énergie qui le classe sur le haut de la scène mondiale. Son dernier album Alkohol ou le projet à sortir en compagnie des Gypsys Kings indiquent une nature curieuse et passionnée, à l'image de l'extrait live présenté ci-dessous.

Terry Hall - Mushtaq Leur album, The Hour of Two Lights, est un modèle du genre. La vingtaine de musiciens tziganes, anglais, pakistanais, orientaux lancent un pont séduisant entre l'Occident et l'Orient. Un édifice construit  de main de maitre par l'ex leader du groupe ska The Specials et un ancien musicien de la formation anglo-pakistanaise Fun Da Mental. L'accordéon rom se mêle naturellement aux percussions indiennes et les mélodies pop s'imprègnent subtilement des mélopées du Bosphore, du Proche Orient.

Goatika - Tony Levin  La rencontre proposée par le collectif artistique russe est détonnante puisqu'il a invité, pour cette session enregistrée à Moscou en 2007, Tony Levin le bassiste de Peter Gabriel et de King Crimson ainsi que le groupe mongol Uun Huur Tu. La jam lorgne naturellement vers l'Asie avec d'étonnants chants diphoniques. Ici le chanteur est capable d'effectuer plusieurs notes simultanément... La tradition vocale des steppes est transcendée par une rythmique implacable. Une démarche qui rappelle la position culturelle occupée par la Russie. 

Ray Lema - Professeur Stefanov Le célèbre compositeur congolais compose une musique universelle. Si sa culture première est classique, que son rythme de prédilection reste la rumba, ses différentes rencontres avec Stewart Copeland, Courtney Pine et Tony Allen attestent d'expériences audacieuses. La rencontre, il y a une vingtaine d'années, avec l'ensemble bulgare Pirin reste fondatrice. A mille lieues des sirènes du marketing, l'auteur de Dansometer noue un lien confondant entre les polyphonies africaines et slaves. La relecture des deux répertoires fonctionne à merveille.

 Vincent Caffiaux