Criolo No Na Orel...

On connaissait déjà les oncles et cousins, Gilberto Gil, Tom Zé ou Lenine bref la grande famille de la musique populaire brésilienne. Criolo assume cet héritage sur le mode rap. De son enfance, l'histoire retiendra qu'il a partagé les bancs de l'école avec sa mère. Une destinée insolite pour cet immigré de l'intérieur, originaire du Nordeste. Son album No Na Orelha sonne comme les rues de  Sao Paulo, la mégapole d'accueil où il a expérimenté le street art avant de devenir éducateur. Une fonction de sentinelle qu'il partage depuis avec la création. Bogota renvoie à l'Amérique du Sud, formidable vivier artistique où les musiques savantes et populaires, l'Afrique et Europe, se mêlent avec insolence. Le titre d'ouverture confirme d'ailleurs l'internationalisation de l'afrobeat, longtemps affaire des nigérians et désormais genre emblématique pour les cultures opprimées. Du B-boy, Criolo a gardé un phrasé détonnant. Grajauex est une bloc party téléportée sous les tropiques et Mario mixe la contrebasse flinguée de Gang Starr aux batucadas. Le MC n'est pas qu'un acrobate du toast. C'est est aussi un excellent chanteur. Não Existe Amor Em SP permet ainsi au  gamin des favelas d'explorer avec retenue les méandres d'une chanson à la saudade tenace. Et Subirusdoistiozin fait basculer le talk over avec indolence en territoire jazz. Longtemps l'apanage du canal tropicaliste, le reggae transpire sur Samba Sambei et sa mélodie à siffler sans modération. Un titre qui résume à lui seul l'entreprise. Mieux qu'une compilation de rythmes enperlés, No Na Orelha assimile les influences pour mieux les incarner. Une démarche qui rappelle les thèmes de Bowie ou de Kraftwerk revisités par Seu Jorge. Le croisement symbolise Criolo, Dans la langue de Cabral, le surnom de l'étoile montante brésilienne signifie créole.

Sterns Music

Vincent Caffiaux