Chico Mann Manifest Tone...
Si l'apport précieux et envié des musiques du monde ébranle désormais le landerneau hexagonal, la créativité observée depuis peu se heurte encore trop souvent sur l'écueil du conformisme. Génial garant de croisements en tout genre, Rachid Taha est aujourd'hui mieux perçu par des figures anglo saxonnes comme Brian Eno ou Damon Albarn que par la scène locale. En provenance de New York, l'exemple de Marcos Garcia est, à ce titre, significatif. Guitariste au sein de la formation afrobeat Antibalas, ce dernier mène, en parallèle, une remarquable carrière solo sous le nom de Chico Mann. Roborative, une compilation de rattrapage permet, depuis peu, de scanner les trois tomes de sa collection Manifest Tone. Paru chez Soundway, l'album témoigne d'une absence de complexes. En guise de chapelles musicales. un authentique télescopage culturel ou se rencontrent des influences aussi fortes que Fela ou l'electro. L'ouverture artistique est maximale. D'ailleurs, avec sa reprise émancipée du Once in a Lifetime des Talking Heads, Chico Mann n'apparait-il pas comme l'héritier évident de de la célèbre formation ? Un même attrait pour les rythmes du monde, que le multi-instrumentiste met en évidence avec ses origines latines. L'irresistible Dilo Como Yo sublime la filiation au travers de synthés sexy. Govt Issue ID et Mayombe confirment l'apport afro-beat. Une cadence urbaine proche finalement des riffs du Bronx que Chico Mann a pu mettre en valeur aux côtés d'un certain Femi Kuti. Et Head Hunting renvoie au Herbie Hancock du début 70's, une époque durant laquelle le pianiste jazz cherchait lui même ses racines en Afrique. Synthétique mais jamais cheap, la compilation présente est certainement l'un des meilleurs témoignage actuels sur la bouillonnante mégapole. A l'image de Afrika Bambaattaa, l'un des maitres du jeune new yorkais, qui télescopa, en son temps, Kraftwerk avec le rap. Une audace que Chico Mann assume avec talent.
Soundway
Vincent Caffiaux