Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
CUMBE
23 janvier 2012

La voix du peuple

01-Emel

Emel Mathlouthi parle à bâtons rompus. Les coups de canne du régime Ben Ali ont eu pour réponse ses chansons. Depuis la jeune tunisienne ne cesse d'entretenir la flamme. Un parti pris clair et déterminé alors que sort aujourd'hui son premier album Kelmti Horra. La musicienne évoque ici son évolution artistique, la Révolution du jasmin, les réseaux sociaux ou bien encore Matoub Lounès.

Votre parcours est des plus singuliers...

Emel Mathlouthi : " J'étais en France il y a cinq ans. Je travaillais la musique au Studio Cité des Arts. J'ai rapidement fréquenté le milieu musical ambiant, des gens aussi différents que Tricky ou CharlElie Couture avant d'occuper une place comme chanteuse au sein du groupe Meï Teï Shô. Ce fut une rencontre intéressante. La formation lyonnaise fonctionne en collectif. Cela a forgé mon oreille mais aussi mon point de vue sur la création. En fait je suis autodidacte et chante régulièrement seule avec ma guitare. Cette expérience m'a permis de travailler autrement, d'utiliser les samples, de façonner le son. "

Quid de cette protestation qui vous habite  ?

E.M. : " Cette attitude ne date pas d'aujourd'hui. Je viens d'une famille tunisienne ouverte. On écoutait autant Marcel Khalifé  que du vieux jazz style ragtime ou de la musique classique occidentale. Les Quatre Saisons de Vivaldi reste mon disque préféré en la matière. A ce titre je tenais à développer des arrangements cordes aboutis au sein de mon premier album. Mais le rock fait partie intégrante de ma culture. J'ai toujours préféré John Lennon aux Beatles. Cet album reflète mon identité. "

Comment en êtes vous arrivé à incarner l'une des voix de la révolution tunisienne ?

E.M. : " Je vivais moi même la frustration de toute une génération privée de liberté, assoiffée de tout, qui voulait autre chose qu'un régime basé sur la censure. Bien sûr il y a eu des mouvements de protestation en Tunisie par le passé mais c'était apparu parce que les gens avaient faim. L'an dernier c'est un véritable phénomène de société qui s'est actionné, emmené par les jeunes. Je me suis aperçu de l'impact qu'avait ma musique lorsque j'ai interprété des titres comme Ya Meskina ou Kelmti Horra. "

Cette chanson est devenue un hymne...

E.M. : " Oui Kelmti Horra a été écrit il y a quelques années pourtant ce titre a vite été relayé au sein de l'opinion publique. Je garde un souvenir ému d'interprétations  à Tunis et lors d'un concert, place de la Bastille, à Paris le 14 juillet 2007. Dans son prolongement, le titre 14 janvier me tient pareillement à coeur puisque j'ai utilisé les mots du poète algérien Lounès Matoub. J'ai voulu rendre hommage à l'homme, à son engagement auprès de la communauté berbère. Il a été jusqu'au bout de ses convictions, en le payant de sa vie. J'ai également voulu mettre en avant sa poésie, son talent d'écriture. Ce sont des paroles qui prennent aujourd'hui une réelle dimension. "

 

 

Un an après cette révolution quel état des lieux dressez vous de la Tunisie ?

E.M. : " Ça bouillonne de partout. Il y a beaucoup d'énergie, de dynamisme. C'est comme une chape qu'on a levé d'un seul coup. Ça part dans tout les sens. Les élections se sont déroulées même si on ne partage pas forcément les opinions de certains partis... Il souffle un vent de liberté qu'on avait pas auparavant. C'est une nouvelle donne. "

Internet et les réseaux sociaux comme Facebook ont joué un rôle considérable...

E.M. : " Ca a été un canal évident pour la propagation de la parole, des idées et des slogans contre le précédent gouvernement. Les gens ont pu communiquer entre eux mais aussi et surtout avec le monde entier. C'est encore le cas maintenant. Les réactions sont très rapides sur la toile. Les buzz sont fréquents En tant qu'artiste, j'en fait un usage complet. Cela permet de créer un dialogue spontané avec le public, quel que soit le rang qu'il occupe. "

On vous voit justement beaucoup sur la toile, au travers d'une reprise de Pete Seeger ou d'un hommage au Che. Avez vous l'impression de symboliser une fronde généralisée à l'échelle de la planète ?

E.M. : " Vous savez lorsque je suis à Paris dans le métro et que je vois autant de clochards sur le pavé ça me révolte. J'ai repris We Shall Overcome qui est une chanson phare pour le mouvement des droits civiques américains. Et j'ai rendu hommage à Che Guevara, ce qu'il représente. Je reste une chanteuse. Je voyage beaucoup. Ça me permet de diffuser cette parole. "

 

Kelmti Horra  World Village / Harmonia Mundi

Propos recueillis par Vincent Caffiaux

Publicité
Commentaires
H
Bravo pour les questions mais aussi pour le choix de la star interviewée!
CUMBE
Publicité
Archives
Publicité