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CUMBE
30 mai 2013

Pêcheur de sons

 

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Créateur réputé dans les milieux dub et electro, Molécule vient d'enregistrer, durant cinq semaines, en haute mer, à bord d'un chalutier. Cette expérience en situation donnera naissance à des performances puis à un livre disque, à paraître à la rentrée. Le musicien-producteur présente cette aventure, son rapport à la nature, l'incidence d'une tempête sur la création musicale...

Comment se retrouve-t-on à enregistrer en mer ?

Molécule : " C'est venu tout naturellement d'une passion pour l'univers maritime. Je connaissais le milieu pour avoir modestement pratiqué la plaisance. Là je voulais autre chose. Le projet à trotté dans ma tête  avant une premier contact avec des professionnels. J'ai envisagé d'enregistrer sur l'Abeille Bourbon, un remorqueur de haute mer basé à Brest. Mais l'armateur a refusé. Quand le Joseph Roty a répondu par la positive, je n'ai pas hésité. C'est un chalutier de 90 mètres sur lequel travaillent soixante personnes. "

Quelle était l'ambiance à bord ?

M. : " Au début les relations étaient polies mais sur la réserve. J'ai vécu cinq semaines, ce printemps, au sein d'un espace confiné, entouré par un équipage qui me voyait surtout tel un extra terrestre (rires). La première semaine je me suis surtout imprégné des lieux. Afin de poser mes repères quant à la session sur le bateau mais également pour nouer contact avec les marins-pêcheurs. Ce n'est pas rien de constater que ces derniers travaillent dans un milieu hostile. La zone de pêche ou nous naviguions est située dans l'Atlantique Nord, entre les côtes écossaises et l'Islande. Elle est réputée pour être une des plus difficiles du globe... "

Autrement dit  vous vous êtes confrontés aux éléments ...

M. : " Oui  nous avons rencontré des vents de force 11. Sur l'échelle de Beaufort, cet indice est extrême, avec des creux de 10 à 15 mètres. Je ne sais pas si vous imaginez mais, selon, l'oscillation des vagues, nous nous retrouvions parfois sur des crêtes vertigineuses. C'est fascinant, effrayant et très beau à la fois, notamment ces déferlantes qui s'abattaient sur le bateau. "

Cet attrait pour la nature ne traduit-il pas une vision romantique de la création, tout du moins au sens littéraire du terme ?

M. : " Evidemment. C'est ce que je cherchais. Vivre en phase et sans intermédiaire avec l'océan. Je voulais d'abord ressentir cette expérience avant de la restituer au travers de compositions. C'est vrai que ça évoque la sensibilité des poètes ou musiciens du XIXe siècle, lorsqu'ils puisaient leur inspiration au contact de la nature. C'était particulièrement perceptible lors des grains mais pas uniquement. Par effet de contraste, les périodes d'accalmie furent des séquences toutes aussi importantes pour créer ."

 

 

Vous avez donc aménagé un studio de fortune ?

M. : " J'ai placé mon matériel, et notamment toute une série de claviers vintage, dans une cabine afin de composer durant cette campagne. J'ai enregistré mes compositions via des laptops, sur le logiciel Cubase. Ce ne fut pas de tout repos puisque le bateau bougeait en permanence. J'ai d'ailleurs retrouvé le matériel sans dessus dessous suite à une tempête. Dans ce cas il n'y a guère de choses à faire sinon s'adapter. "

Le bruit du bateau n'est-il pas le premier univers sonore transcrit ?

M. : " Si. D'ailleurs je suis allé à la pêche au son en sillonnant les différentes parties du chalutier, sur le pont comme dans la salle des machines. Les sons générés étaient particulièrement denses. J'ai utilisé des micros directionnels afin de prélever le maximum de matière. Pourtant ma démarche ne consiste pas à exploiter ces différentes sources directement. Je ne compose pas de musique concrète. Le but est d'instaurer des ambiances. De restaurer des climats. Si mon discours est teinté de romantisme, la musique s'exprime surtout de manière impressionniste. "

Peut on comparer votre travail à celui de Brian Eno ?

M. : " C'est un musicien que j'apprécie. Il est le père de l'ambient music et l'auteur de différentes créations enregistrées en situation, pour des films mais aussi dans des cadres plus surprenants comme les aéroports. Sa démarche artistique est passionnante. Les techniques utilisées sur le bateau et surtout le rendu rejoignent cette approche. Au final, les mélodies ont été enregistrées sur place mais séparément, puis intégrées avec les  sons du chalutier, de l'océan. "

 

 

Un disque est-il envisagé ?

M. : " Il n 'y aura pas d'album à proprement parler mais un livre qui relatera cette aventure. Différents clichés ont été pris et illustreront cet ouvrage qui pourra se rapprocher d'un carnet de voyage. Évidemment la musique sera incorporée au livre sur un CD. Le tout formera un témoignage particulièrement complet. Le titre retenu évoque la position la plus au nord calculée par le bateau, au delà du 60 e parallèle, d'où le titre " 60°43' Nord ". L'ouvrage paraitra à l'automne. "

Considérez vous votre travail telle une performance ?

M. : " Pas vraiment puisque le happening se déroule, par définition, en live. Mais les enregistrements amassés serviront probablement à une création sur scène avec un plasticien. J'ai embarqué avec un cameraman et un preneur de son. Les différentes vidéos réalisées sont autant de matériaux que nous pourront diffuser selon les cadres. Une prestation sur la scène de la Gaîté Lyrique à Paris serait ainsi prévue.  "

Verra-t-on un documentaire concernant cette aventure ?

M. : " Oui, cette expérience a été filmée et sera diffusée à la rentrée sur France 3, au sommaire du magazine Thalassa. Nous avons été contactés par l'équipe TV. Ce programme est la séquence appropriée pour relater une telle aventure. Aujourd'hui je m'occupe de l'avenir éditorial de l'aventure. Le but est de diffuser le maximum de sources relatives. "

Propos recueillis par Vincent Caffiaux

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