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CUMBE
3 septembre 2012

Le sillon par les racines

ashes to machines

La révolution informatique voit apparaître de nouveaux explorateurs musicaux. La plupart sont DJ ou programmateurs et n'hésitent pas à créer en situation, au contact des peuplades du monde entier. Initiateur du genre il y a une quinzaine d'années, Frédéric Galliano a ainsi posé ses platines en Afrique. Aujourd'hui des projets tels Expedisound ou Ashes to Machines développent le principe de tradi-modernité au travers de résidences, d'échanges fructueux. Ces nouveaux nomades soldent l'héritage colonial au bénéfice d'un authentique dialogue entre les cultures.

Les rapports entre machines et traditions ne sont pas nouveaux. A ce titre les projets Ashes to Machines et Expedisound sont les dépositaires de talents visionnaires. Dès la fin des 60's, les jamaicains inventent le remix et le Djing. Une amorce fondamentale, syncrétique et ingénieuse, qui marque la création contemporaine. A New York, au début des années 80, David Byrne des Talking Heads sort, avec Brian Eno, un collage alors novateur, ponctué de sons du monde : My Life in the Bush of Ghosts. Ryuchi Sakamoto lance le concept de Nouvelle Terre et télescope les mélodies d'Okinawa avec les sons de syntèse. Plus près de nous, les DJ house et techno remixent la mélancolie des villes industrielles américaines au contact de Femi Kuti, Césaria Evora ou Vieux Farka Touré. Alors qu'un Doctor L croise le fer avec les fûts de Tony Allen. A priori hétéroclites, ces productions sont toutes empreintes de transe.

De leur côté les musiciens dits du Sud accélèrent l'assimilation naturelle opérée par les registres traditionnels. Les circuits commerciaux se développent et la technlogie s'impose. Ce process est flagrant pour les rythmes africains. Et déterminant chez Françis Bebey. Celui ci est un des premiers africains à utiliser le synthétiseur comme instrument. Il bâtit un univers singulier, littéraire et haut en couleur où se mêlent chants pygmées et fables. La démarche musicale est commune avec celle du congolais Ray Lema et de Wally Badarou, auteurs des fondateurs Médecine et Echoes. Le principe du sound system apparait  sur le continent premier via Frédéric Galliano au travers du mouvement Kundero. Aujourd'hui nombre de musiciens africains détournent les outils numériques et subliment ainsi leur propre héritage.

Le projet Expedisound apparaît, il y dix ans, dans la mouvance des travellers, un courant qui programme des raves parties itinérantes. Cette scène alternative est le creuset de la première et singulière édition. Composée de trois sound systems, Tomahawks, IOT et Teknocrates, l'expédition rime avec passion. Les membres décident de partir cinq mois en Afrique afin de rencontrer les populations locales, découvrir d'autres cultures, provoquer des sessions artistiques. L'entreprise est autonome. Des camions sont affrétés. Un premier film témoigne de cette démarche singulière. Réalisé par Damien Raclot-Dauliac & Krystof Gillier, le document dévoile des scènes hallucinantes comme le baroud dans le désert ou l'émotion provoquée par les rencontres. Au fil des ans, la formule s'étoffe. En 2006, le groupe décide de rejoindre la Mongolie et Oulan Bator. Cinq véhicules dont un 19 tonnes transportent la sono mais également un écran géant, un groupe électrogène ainsi q'une ligne Internet satellite afin de relayer l'aventure en direct. Douze personnes parcourent les immensités sibériennes puis la Mongolie durant six mois... A l'instar de l'expédition africaine, le projet eurasiatique est diffusé, sous forme de coffret CD/DVD.

Outre un séjour indonésien enregistré à Bali et disponible en ligne, un quatrième volume des explorateurs sonores sort  le 17 septembre 2012. La formule est financée par le Net grâce à une souscription. Trois années de travail auront été nécessaires pour réunir deux albums, l'un électrique, l'autre acoustique composé de rythmes traditionnels. Avec cette nouvelle saga, les musiciens d'Expedisound prolongent l'idéal libertaire. Ils partent, cette fois çi, à la rencontre de la minorité Naxis, au sein de la province autonome du Yunnan. Les documents visionnés sont étonnant. Notamment les épisodes filmés en pleine montagne à la rencontre de shamans ou à Zhongdian, la capitale de ce territoire retiré ; un site rebaptisé du nom mythique de Shangri-La, la porte du paradis... Si les images sont souvent irréelles, le lien tissé avec les musiciens chinois rend l'entreprise particulièrement touchante

Lancé en 2006 par DJ Oil et Jef Sharel, deux figures de l'electro-jazz, le projet Ashes to Machines compile, depuis, une quarantaine de rencontres avec des populations d'Afrique et d'Amérique Centrale. Pour Jeff Sharel, DJ et compositeur, la formule s'établie sur une base réciproque : "Les travaux avec Julien Lourau me rapprochent du jazz, d'un travail d'improvisation qui ouvre à d'autres cultures" explique le musicien, qui figure parmi les premiers à confronter les machines et les rythmes jazz.en France. Celui-ci définit Ashes to Machines comme une production à double plateau : " Le Kenya fut une des premières contrées abordées. Depuis nous nous sommes tenus à une ligne de conduite qui intègre des workshops, des ateliers en situation auprès des musiciens locaux. Mais c'est aussi un travail d'enregistrement et de conservation de rythmes rares, représentatifs de minorités tels les garifunas au Belize." Une démarche ambitieuse mais pragmatique comme le souligne Jeff Sharel : "Franchement il ya tellement de gens qui ne font ne font qu'imaginer les voyages, les rêver. Le plus simple est pourtant d y aller non ? "

L'attitude exprime une curiosité de tout les instants. Ashes to machines, littéralement des cendres aux machines, répond aux rapports exercés entre les traditions et les instruments numériques : " En tant que DJ nous sommes naturellement fascinés par le rythme. Une notion qui évolue selon le cadre. C'est le cas en Afrique où le rapport au temps est différent " explique Jeff Sharel. Un voyage du collectif Ashes to Machines est calé pour le mois d'octobre 2012  en Equateur : "Nous savons qu'il existe une scène electro très dynamique qui mixe les tempos du cru. Contrairement à ce que pensent encore beaucoup de personnes, les pays d'Afrique et d'Amérique du Sud génèrent désormais une musique à base de sound systems. Il suffit de mettre les pieds à Johannesburg pour comprendre. C'est désormais le kwaito qui fait swinguer les quartiers."

 

 Vincent Caffiaux

 

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