Vox Brasil (II)

Les nouvelles voix féminines brésiliennes héritent de leurs glorieuses aînées, grâce à des productions situées à la croisée des métissages urbains, de la tradition. Le caractère hétéroclite des répertoires de Céu, Renata Rosa ou Maria Gadù rappelle surtout qu'ici la star principale reste le Brésil, ce laboratoire culturel maillé de villes monde comme Rio ou Sao Paulo.

Cibelle Héritière du tropicalisme, celle-ci a d'abord connu une carrière de mannequin avant de se destiner à la musique. Signés chez Crammed Disc, le label indépendant bruxellois, ses derniers albums ont suscité l'intérêt d'un compatriote comme Seu Jorge mais également des références anglo saxonnes telles Davendra Banhart ou David Byrne, grand amateur de musique brésilienne devant l'éternel. Elle effectue ainsi une reprise marquante du Green Grass de Tom Waits et affirme, par là même, un trait d'union évident entre blues et bossa.

Céu  Alias Maria do Céu Whitaker Poças. Fille d'un musicologue, cette interprète révère par dessus tout les grands voix américaines comme Billie Holliday, Ella Fitzgerald ou, plus près de nous, Erykah Badu. Originaire de Sao Paolo, la chanteuse assimile les sonorités urbaines de la mégapole mais sans négliger cette touche glamour. Le premier de ses trois albums est nommé aux Grammy Awards dans la catégorie musiques du monde. Ce répertoire cohérent n'échappe pas à Herbie Hancock qui l'invite sur son album The Imagine Project.

Flavia Coelho Installée en France, la jeune carioca vient de sortir un premier album détonnant, mélange de rythmes du Nordeste, de samba et de reggae. Particulièrement prisés sur la région de Bahia, les riddims jamaïquains trouvent une résonance toute particulière au contact de la langue portugaise. Ici c'est le phrasé vocal des toasters qui est volontiers détourné. Avec ce récent album, la jeune musicienne donne une touche finalement africaine à sa production.

Maria Gadù Elle est apparue sur la scène brésilienne il y a deux ans avec ce premier album aux influences éclectiques. Trait commun aux quinze plages de cet enregistrement, les figures de la musique populaire brésilienne (MPB) comme Chico Buarque ou bien encore le grand Caetano Veloso. Un chanteur avec qui elle s'est d'ailleurs distinguée en duo. Malgré ses vingt trois printemps, la demoiselle affirme une maturité inédite, fruit de dix ans d'activités dans les bars de Sao Paulo ou de Paris. Sorti depuis peu en Europe, son premier opus remporte aujourd'hui un joli succès en Italie.

Renata Rosa  Cette musicienne remet au goût du jour la tradition du Nordeste ; une région symbolisée par le  Foro et ses nombreux dérivés. Son inspiration puise dans la ruralité et les polyphonies ce qui ne l'empêche nullement  d'incarner une certaine modernité. Un parallèle peu d'ailleurs être tracé avec un groupe français comme les Femmouzes T. La passion pour les mélodies populaires est identique. A l'image d'un Brésil laboratoire, cette chanteuse sublime des rythmes ancestraux pour aboutir à un répertoire finalement inédit.

Roberta Sà  Peut être la plus classique des interprètes de cette sélection. Elle n'en reste pas moins pétrie de talent comme l'atteste ses nombreux duos, avec Chico Buarque ou avec le chanteur de fado Antonio Zambujo. Leurs rencontres sont autant de traits d'union entre le Portugal et le Brésil. Elle s'est également distinguée auprès du Trio Madeira, un ensemble de guitares et mandoline. Le parti pris esthétique est affirmé :  si cette dernière revendique la samba, elle hérite aussi d'une culture savante. Une particularité toute brésilienne.

Vincent Caffiaux