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CUMBE
28 avril 2012

Afrofunkystyle !

 

 

 nigeria70

Le début des années soixante dix témoigne d'un mariage électrique entre le funk américain et l'Afrique. Les formations nigérianes ghanéennes et béninoises transcendent le groove au nom du panafricanisme  alors que des artistes comme Ike and Tina Turner ou Wilson Pickett effectuent un retour sur leur terre ancestrale. Point d'orgue de cette (ré)union le combat du siècle qui oppose, en 1974 au Zaïre, George Foreman à la superstar Mohamed Ali donne lieu à une revue musicale où James Brown cotoie Franco.

Marche des droits civiques, émeutes de Watts, c'est dans le contexte explosif des 60's que nombre de musiciens afro américains s'émancipent. L'intérêt porté par ces artistes vis à vis de leurs racines s'exprime grâce à Ornette Coleman et Max Roach qui signent, en 1960, Free Jazz et Freedom Suite, deux manifestes esthétiques et politiques. Au mitan de cette décennie, Otis Redding sort, chez Stax, une profession de foi sans équivoque : Respect. Alors composé d'une formation multiraciale, les MG's, ce label ouvre la porte aux expériences. Ce sera le cas de Sly and the Family Stone. Groupe mixte et métisse, celui ci explose à Woodstock en 1969 aux côtés des tenants de la contestation. Signe des temps, les Temptations, Edwin Starr et Marvin Gaye musclent le son de la Tamla Motown avec des thèmes engagés comme Papa was a Rolling Stone, War et What's going on. Les Last Poets sortent leurs premiers albums. Ils incarnent les slogans ambiants. L'Afrique est alors un symbole.

Au début des années 70, des cinéastes afro américains engendrent un phénomène culturel avec l'apparition, sur les écrans, du mouvement blaxploitation. Exit les blacks relégués aux rôles de maqueraux ou de bandits. C'est l'émergence de policiers de couleurs comme Shaft. Suivront Superfly ou Black Ceasar, des films aux bandes sonores signées Isaac Hayes, Curtis Mayfield ou James Brown. Le jazz assume son électrification avec Bitches Brew et surtout On the Corner, des brûlots composés par Miles Davis. Et deux femmes affirment cette fierté africaine : Angela Davis qui concrétise ainsi des années de lutte à gauche et Myriam Makeba qui fuit alors le gouvernement sud africain. Loin des idées de Marcus Garvey, artisan du retour des fils d'esclaves sur le continent premier, l'Afrique est surtout vécue tel un modèle, une attitude...

La passerelle entre les USA et l'Afrique est lancée au Ghana. Miracle démocratique, ce pays d'Afrique Occidentale fête, en 1971, le quatorzième anniversaire de son indépendance.  Pour marquer l'évènement un festival baptisé Soul to Soul est programmé le six mars de la même année. Historique, l'affiche réunit, durant quatorze heures et devant 100 000 spectateurs, des musiciens américains et des artistes locaux. Wilson Pickett, The Staple Singers et Roberta Flack offrent au peuple ghanéen, une manifestation historique. 

Au sommet de leur carrière, Ike and Tina Turner brûlent les planches du monde entier avec un show torride.Le concert donné au Black Star Square d'Accra ne déroge pas à la règle. Accompagné des Ikettes, le tandem retrouve ses racines et le fait savoir. I Smell Trouble, River Deep Mountain High ou bien encore un Soul to Soul d'anthologie électrisent la foule. Autre star, Carlos Santana apporte une touche latino particulièrement prisée en Afrique. Pourtant si la fascination entre ghanéens et  américains opère facilement, certain artistes africains ne pourront venir compléter l'affiche. C'est le cas de Fela. De retour des USA où il tourne avec sa première formation les Koola Lobitos, le charismatique musicien ne peut tester l'afrobeat naissant. En lieu et place sont programmées des figures locales comme le Damsa Choir ou Charlotte Dadah. L'engouement des africains pour les rythmes électriques est évident...

 

La réponse afro-funky est donnée depuis le Cameroun par Manu Dibango. Patron de boites de nuit, saxophoniste de Nino Ferrer, le musicien signe en 1972 le thème de la coupe d'Afrique des Tropiques et illustre la face B d'un instrumental : Soul Makossa. La formule est simple mais efficace. Le tempo camerounais répond à merveille à la production afro américaine du moment. Et le morceau est ponctué d'un gimmick vocal syncopé aisément mémorisable  Passée inaperçue, cette plage est ensuite réenregistrée au sein de l'album Oh Boso avant de connaitre une destinée inédite aux... USA. Programmée dans les fêtes branchées de la Grosse Pomme, ce titre devient un hymne. Les radios communautaires matraquent alors Soul Makossa qui devient incontournable. Les versions apparaissent comme cette relecture latino composée par la Fania All Stars. C'est le premier véritable tube africain mondial. Il sera disque d'or. Ironie du sort, le musicien camerounais porte plainte contre Michael Jackson, dans les années 80, pour un emprunt à l'intro de Soul Makossa. 

Berceau du triangle esclavagiste, le golfe de Guinée est un creuset mystique, berceau du culte yoruba. Les différentes pratiques syncrétiques tell le vaudou en Haïti ou le macumba au Brésil puisent au sein de cette culture. Un terreau idéal pour les musiciens locaux tel Le Tout Puissant Orchestre Poly-Rythmo. Apparu au Bénin dans les années 60, ce groupe d'une dizaine deimagefonk musiciens enregistre alors des plages traditionnelles interprétées en Français ou en dialecte fan. Les morceaux sont pétris d'électricité rock, funk et de high life. La scansion provoquée par ce mélange musical est irresistible. Aujourd'hui les titres 70's de l'orchestre Poly-rythmo remportent l'adhésion de nombre de DJ et rockers captivés par la transe. Parmi les formations occidentales citons Franz Ferdinand qui a participé à l'enregistrement de leur dernier album Cotonou Club. Figure méconnue de cette scène, le ghanéen Ebo Taylor est pourtant le témoin de cette transition entre tradition et modernité. Mieux, il bénéficie, dans les années 60, d'une bourse d'études attribué par le gouvernement de Kwame Nkrumah pour aller étudier la musique à Londres. Il devient ensuite un directeur artistique reconnu dans son pays avant de revenir, aujourd'hui, sur le devant de la scène, avec son nouvel et excellent album : Appla Kwa Bridge.

Admirablement réédités au sein des catalogues Soundway, Analog ou Luaka Bop les enregistrements  révèlent les premiers répertoires populaires de l'afrique contemporaine. Après les pionniers de la rumba congolaise et en parallèle d'autres scènes, comme Adis Abeba en Ethiopie ou Jo'burg en Afrique du Sud, les musiciens ici présents assimilent la soul le funk et le jazz sans complexes. Perle du genre, Love's a Real Thing : the Funky Fuzzy Sounds of West Africa compile douze artistes tel l'ivoirien Moussa Doumbia, incarnation suprême du groove au sein de l'espace francophone, les Super Eagles ou bien encore Bunzu Soudz. Le chaudron est bouillonnant.

 

C'est pourtant par le biais du sport que va être célébrée cette union électrique entre l'Afrique et les USA. Star internationale, le boxeur Mohamed Ali décide, en 1974, d'effectuer un retour sur le ring. Quatorze ans après le début d'une brillante carrière qui le mènera à la ceinture mondiale en 1964, le poids lourd américain, Black Muslim et opposant à la guerre du Vietnam, décide d'affronter George Foreman, le tenant du titre, au Zaïre. L'affiche, baptisée pour l'occasion Rumble in the jungle, reflète l'époque. Proche de Malcom X, Mohamed Ali revendique ce rendez-vous. Programmé par Don King mais récupéré par le dictateur Mobutu, alors en quête de promotion, cet affrontement, admirablement restitué au sein du documentaire If we were Kings de Léon Gast, est organisé à l'automne 1974 au sein du stade de Kinshasa. Arrivés quelques jours avant cette réunion sportive, les boxeurs affirment des tempéraments différents. Hâbleur et fin tacticien, Mohamed Ali ménage son physique alors que George Foreman, favori du combat, s'entraine humblement. Blessé justement lors des préparatifs, ce dernier décale l'affrontement de quelques jours. Mohamed Ali mène alors une guerre psychologique contre son adversaire : "Je suis le maître de la danse, un grand artiste" déclare- t-il à la cantonade. Outre les capacités techniques et physiques évidentes, c'est grâce à cette stratégie d'usure que Mohamed Ali ravit la victoire, le 30 octobre, au huitième round, par KO.

Afin d'illustrer ce rendez-vous, le producteur Stewart Levine programme, durant trois jours, un festival auquel il convie le fleuron musical africain et américain du moment. Intitulée Soul power (Zaïre 74), cette revue incorpore des stars comme le bluesman BB King ou bien encore James Brown. En pleine promotion de son album The Payback, le parrain du funk effectue un concert détonnant durant lequel il reprend un titre brûlant comme Say it loud ! I'm black and I proud. Sur place, James Brown évoque l'épisode qu'il estime historique et déclare sa flamme au continent africain :  "Nous sommes afro américains et nous savons pourquoi nous jouons ici." Autres noms du répertoire soul, Bill Whiters ou Sister Sledge  distillent une émotion inédite, renforcée par le cadre local. Celia Cruz effectue un tour de chant aux fragrances salsa. Chez les africains, Miriam Makeba revisite ses racines Sud Africaines alors que Zaïko Langa Langa, Tabu Ley et Franco instaurent la rumba congolaise en art majeur.

 

 

Vincent Caffiaux

 

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