Ethiopian Groove Worldwide

Cela fait dix huit ans ans que Françis Falceto explore les arcanes de la musique éthiopienne. Compilé au sein de la collection Ethiopiques, son travail de défrichage remet au goût du jour l'âge d'or d'Addis Abeba, à la fin des années soixante, alors que la capitale africaine découvrait les sonorités rock et funky. Située entre la fin du règne d'Hailé Selassié et le régime du despote Mengistu, cette période reste une influence marquante. Pour Patti Smith qui, fan de  Rimbaud, confirmait dejà cet attrait dans les années 70 avec l' album Radio Ethiopia. Ou grâce à Jim Jarmush qui ponctue largement son film Broken Flowers des mélopées de Mulatu Astatke. Préservée d'une réelle occupation coloniale, l'Ethiopie de Mahmoud Ahmed et de Gétatchew Mèkurya représente aujourd'hui un réservoir musical immense. La récente compilation Noise and Chill Out (Ethiopian Groove Worlwide) témoigne de cet impact auprès de vingt huit interprètes ou groupes locaux, musiciens de la dispora ou de fèrendjs (artistes non éthiopiens). Strié de dissonances, le premier CD diffuse une intensité parfois tellurique. Des arrangements jazzy libertaires du Tigre des Platanes à la formation punk hollandaise The Ex en passant par Eténèsh Wassié en duo avec le guitariste Mathieu Sourisseau, les compositions reflètent la richesse ambiante. C'est rythmé de pulsations jamaïcaines ou groovy comme le démontrent Dub Colossus et l'Impérial Tiger Orchestra mais toujours efficace. Un brin plus disparate, le deuxième tome s'affirme au travers de tempos lents mais révèle également les expériences les plus surprenantes. L'ensemble classique Kronos Quartet, le Either/Orchestra et le japonais Yasuaki Shimizu incarnent l'attrait des musiques savantes pour les gammes pentatoniques. Snow Flake fait vibrer les hauts plateaux éthiopiens d'échantillonages astucieux. Et Daniel Tèchanè nimbe sa production d'une aura poétique. A découvrir les yeux fermés.  

EthioSonic / Buda Musique

Vincent Caffiaux