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CUMBE
28 novembre 2011

L' île aux bavards

On a tous en tête l'image d'un Sean Connery jeune incarnant James Bond, le costume tiré à quatre épingles, un martini-vodka à la main sur fond de rythmes calypso. Stéréotype de la musique de salon comme sa voisine brésilienne la bossa nova, le calypso cache pourtant une culture qui défie au passage l'image d' Epinal. Et les différentes sorties observées depuis cinq ans sont autant d'invitation à (re) découvrir le mouvement musical, depuis les cabanons de Port of Spain...

 

1962-gyana-supie-kitch-melodyLe calypso génère une histoire complexe. Apparu à la fin du XIX e siècle, à Trinidad et Tobago, archipel antillais  alors britannique, ce style musical, également nommé Kaiso puise ses racines au sein du répertoire religieux mais aussi auprès des rythmes africains assimilés lors de combats de cannes. A l'image d'une capoiera brésilienne, lutte  transformée pour des raisons d'ordre social en chorégraphie, le calypso va rapidement devenir un genre artistique au sein de cabanons de Port of Spain. Nommés chantwells, les interprètes intègrent, au fur et à mesure, les  différents apports musicaux coloniaux. L'esprit frondeur va se perpétuer au fil du XXe siècle, au travers de joutes mais cette fois çi orales. L'ironie des paroles n'a d'égal que la vie sociale à Trinidad. D'ailleurs les calypsonians (actuel nom donné au musiciens calypso) sont souvent comparés aux troubadours du Sud de la France. Leurs duels verbaux, en créole, ne sont ils pas finalement l'équivalent des tançons (disputes verbales) médiévales ?

L'autre particularisme du calypso réside dans l'usage fait, depuis l'après guerre, du steel drum. Aussi dénommé pan, cet instrument est issu du recyclage des barils dhistory7e pétrole qui tombaient parfois des bateaux dans le canal qui sépare Trinidad du Venezuela. Ingénieux les musiciens trinidadiens,  faiblement dotés, ont  inventé un des rares instruments issu de l'industrie. Les pans composent une tonalité qui change selon la taille de l'instrument. lui même est martelé à sa surface. Chaque facette composée répond alors à une note. Ce qui lui donne une musicalité  riche, proche du metallophone.


ADONAI TRINIDAD STEEL BAND

Les seigneurs de l'humour

Détenteur d'une forte tradition orale, le calypso est un genre qui bénéficie rapidement  d'enregistrements phonographiques,  grâce aux sessions organisées par les firmes Victor et Decca. Un élément important pour la propagation dudit répertoire. Si ce genre s'implante rapidement sur l'archipel de Trinidad et Tobago, c'est après la seconde guerre mondiale que le calypso se développe au plan mondial avec la reprise du standart Rhum and coca cola par les Andrew Sisters. Berceau du calypso, le Dirty Jim's Swizzle Club de Port of Spain a, durant les années cinquante et soixante, fait fonction de creuset. Garants de la tradition  les lords Superior, Relator, Bomber, Mighty Terror ou bien encore Calypso Rose, rare interprète féminine locale, bombardent les sonos de l'ile avec des tubes comme Jean and Dinah, White Man Wife et Shame and scandal  in the family. Les textes sont théâtraux,  comiques mais non dénués de gravité. Ainsi une saynète telle  Rhum and Coca Cola fait explicitement référence aux bases américaines alors installées à Trinidad, à la prostitution engendrée par les militaires. ("Mother and daugter  working for the yankee dollars...") Le caractère volage des insulaires n'est pas épargné avec Shame and scandal in the family, aux rebondissements dignes d'un Feydeau.


Calypso Rose, Paléo Festival Nyon 2011 (concert complet)

 A l'ombre de Big Ben

Cas d'école, l'immigration des trinidadiens, avant et après l'indépendance du pays en 1962, a eu un impact considérable au Royaume Uni. Encore marqués par le jazz populaire et le music hall, les britanniques découvrent rapidement les rythmes en provenance de leurs (ex) colonies. A commencer par le retour de troupes militaires antillaises en 1948. Le calypso trouve des ambassadeurs de taille avec des personnalités de la trempe de Lord Kitchener. Cette saga passionnante est aujourd'hui retracée grâce aux compilations London is a place for me.  Marqués par de superbes clichés, ces enregistrements narrent avearts-graphics-2005_1163530ac pertinence la première vague d'immigration des West Indies,  les espoirs induits, les unions mixtes. Ces vagues musicales sont fondatrices. Elle préfigurent la déferlante jamaïquaine des années 60 et 70, le métissage du reggae avec la production rock ambiante. Et l'actuelle société anglaise cosmopolite.


Pans, rhum et pt'ites pépés

 

200px-Harry_Belafonte_singing_1954Si le calypso sédimente au royaume Uni, il explose au mitan des années 50 aux Etats Unis. Deux géants incarnent cette mode.  Harry Belafonte est le première star confirmée. Après plusieurs tubes dont Mathilda en 1953, celui-ci sort en 1957 l'album Calypso, considéré par les amateurs  comme la pierre d'angle de ce répertoire. Particulièrement complète, cette production enfile les tubes comme Man smart (Woman starter)  et Day O, une plage relancée  en son temps par Tim Burton pour les besoins de son film Beetlejuice. Un titre comme Jamaica Farewell évoque les racines caribéennes de l'interprète.Et Brown skin girl fait les choux gras des rude boys dans les parties blue beat des années 60. 

L'autre figure de cette mouvance n' est autre que l'acteur RRobert_Mitchum_-_flickR_4obert Mitchum qui sort, en 1957, Calypso I like so... Prisé des esthètes, cet album vaut surtout pour l'interprétation surprenante qu'en fait le dernier nabab d'Hollywood. Pour l'anecdote the Mitch s'efforce de chanter (parfois faux) mais avec l'accent des calypsonians. Le répertoire est composé des classiques du genre. Troisième artiste à avoir popularisé le calypso au plan mondial, le compositeur John Barry puise directement à la source pour illustrer James Bond contre Dr No. Outre le thème,  marque de fabrique du héros de Ian Fleming, un usage régulier des steel drums ponctue cette bande originale de film. Un gage de la splendeur fugace du calypso. 


Harry Belafonte The Banana Boat Song

Les retombées

Désormais ce rythme connait de nombreuses variantes soca (contraction de soul calypso) ou rapso. Un phénomène qui se calque sur le zouk. Les rythmes traditionnels sont passés à la moulinette synthétique. Et  si des artistes comme Arrow ou David Rudder ont réussi à maintenir une tradition politique et festive héritée de leurs ainés, ce genre sert surtout de bande son pour les boites à touristes et autres campings occidentaux. Terre d'élection en Europe, le calypso a inspiré un temps des artistes  pop comme Police avec le tube Every thing she said is magic ou pour le groupe Clash qui cite Mighty Sparrow dans le texte via Let's go crazy, extrait du visionnaire Sandinista. Les groupes Two Tone comme Madness, The Specials ou The English Beat empruntent directement à la tradition des pans. Et les carnavals de Trinidad ou de Notting Hill à Londres catalysent naturellement le calypso. En France, Sacha Distel revisite Shame ans scandal in the family,  sur un ton variété. Et Karl Zero pratique, un temps, une relecture humoristique donc fidèle du style. 


The Clash "Let's Go Crazy"

 

Vincent Caffiaux

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